Le processus de formation des noms est on ne peut plus simple. Pour bien le comprendre, il faut remonter au Moyen Age, plus exactement aux environs du 13eme siècle.
Les lieux, les montagnes, les rivières, depuis toute ancienneté, ont déjà reçu des dénominations d'après leur position. Les hommes, entre eux ont très vite dû procéder de la même façon. A cette époque tous sont désignés par un nom, un nom unique, donné par la famille comme elle donne aujourd'hui un prénom à l'enfant qui vient de naître. Ils s'appellent Guillaume, Raoul, Clobert, Richard, Guérin, Jean... c'est tout.
A partir du 11eme siècle et pour plusieurs raisons (climat favorable, paix extérieure, recul temporaire des épidémies et de la disette), on assiste à ce que nous appellerions aujourd'hui un énorme "boom démographique", phénomène qui atteint son maximum aux environs de l'an 1200. Au milieu du 13ème siècle, la France comptera, selon certaines estimations, environ 10 millions d'habitants, chiffre énorme qui sera très long à dépasser. Les conséquences de ce renouveau démographique sont énormes, et cela sur tous les plans : économique, social, politique... L'une d'elles, capitale pour nous, est de provoquer une grande confusion, au sein de chaque village, entre les différents Guillaume, Raoul ou Jacques qui y vivent. Dès lors, le réflexe ne tarde guère: chacun reçoit un surnom qui va s'ajouter à son nom. Dans un second temps, ce surnom individuel va se transmettre héréditairement avec ou sans aménagement, aux descendants de celui qui l'a reçu. L'usage des deux noms se généralise. Ce sont notre prénom et notre nom de famille ou patronyme (nom des pères).
Il faut bien penser que jamais ces noms ne sont revendiqués ni choisis par l'interessé. Au contraire, ils lui sont donnés par des tiers, et donc beaucoup plus généralement teintés de moqueries et d'ironie que de louanges. De formations spontanées, ils naissent du langage parlé, dans la langue de l'époque, emprunts des mentalités, des habitudes, des données sociales et économiques, du décor de la France d'alors, essentiellement rurale et villageoise.
Ces noms évidemment, subissent à tout niveau des influences régionales, tant dans leur formation que dans leur forme. Chaque région connait des types plus fréquents selon son habitat, ses mœurs ou les types physiques de ses habitants. Cependant, de façon générale, on retrouve toujours trois sources principales de dénomination : les surnoms familiaux, les sobriquets et les noms de lieux, d'où plusieurs catégories de noms de familles, aux frontières parfois bien incertaines.
L'origine des noms de famille, et particulièrement celle des noms de
notre région, est très curieuse, car elle se rattache non seulement
à l'histoire de notre langue, mais aussi à celle des moeurs et des
traditions. On croirait généralement que ces noms patronymiques se
perdent dans la nuit des temps et remontent très haut. Eh ! bien, il
n'en est rien ! Certes, dans l’antiquité romaine, chaque citoyen de
la Ville Eternelle était orné d'au moins trois noms : le prénom,
le nom de famille et de maison et le surnom, « qui
se donnait, dit Amyot, ou pour quelqu'acte ou quelqu'aventure
notable, ou pour quelque marque de la face et forme du corps ». Mais
en France, comme chez la plupart des peuples chrétiens, il fut
généralement d'usage de ne porter d'autre nom que le nom de baptême.
C'est si vrai, qu'actuellement encore, les souverains comme les
évêques, les papes, ont conservé l'ancienne habitude de ne signer
que de leurs noms de baptême. On aurait été bien étonné, par
exemple, si l'empereur d'Autriche avait signé François Joseph de
Nordgau, bien qu'Everard III de Nordgau ait été la souche de la
maison de Habsbourg-Lorraine !
En France donc, jusqu'au VIIIe siècle, pas d'autre noms que le nom
de baptême. A cette date, commencent seulement à apparaître les noms
patronymiques, qui ne sont que des surnoms, comme ceux donnés à nos
premiers rois Charles Martel,
Pépin le Bref, Louis le Débonnaire,
Charles le Simple, Hugues Capet.
Encore est-il qu'à cette date, le surnom n'existait, que pour les
personnages historiques et que seulement, vers le XIe siècle,
quelques seigneurs féodaux commencèrent à joindre à leur nom,de
baptême celui de la terre qu'ils possédaient. De là, la particule
nobiliaire, le de, que tant
de gens accolent si bénévolement à leur nom, et qui, au fond, n'a
aucune signification s'il n'indique point la propriété d'un fief,
d'une terre, fût-ce la moindre gentilhommière, « savonette à vilain
».C'est la « terre » qui anoblit, ce n'est pas le de
ou le du. Voilà ce que
devraient se dire ceux qui ont la manie de scinder leur nom roturier,
Pour vouloir en prendre un, bâti sur des chimères.
Quant à nous autres, serfs, vilains, manants, nous ne
fûmes pendant longtemps désignés que par le nom de baptême associé à
celui du père, « Guillaume, fils d'Eude ; Roger, fils de Jean » et
parfois à celui du frère « Jourdain, frère d'Enguerand ». Nous
trouverions mille exemples de ces désignations familiales dans nos
chartes normandes elles rappellent un peu les dénominations arabes,
comme Mohammed ben Mohammed, « Mohammed, fils de Mohammed »,
auxquelles la lecture de Gens de
poudre a familiarisé les lecteurs. Au XIIIe siècle, on voit
cependant apparaître le surnom «
Osber dictus Miles » Osber dit Le Soldat, «Wilhemnus
dictus Magister » Guillaume dit le Maître. C'est, à
proprement parler, à cette époque que commencent les noms
véritables, passant des individus aux enfants, puis aux familles et
servant à distinguer celles-ci entre elles. Quelques particularités
curieuses signalent cependant l'origine de ces noms. En Normandie,
il arrive qu'on « décline » pour ainsi dire le nom. Nous en avons un
exemple par le nom d'un endroit rouennais, Le Pré au Loup.
Il ne s'agit pas, en effet, d'un pré où il y avait des loups,
mais d'un pré appartenant à un sieur Leloup, c'est ce qu'indique
l'article contracté au pour
« à Leloup ». Au Moyen-Age, en Normandie également, il était d'usage
de désigner une femme mariée ou une veuve par le nom de famille de
son mari - ce qui n'a rien d'extraordinaire - mais en donnant à ce
nom, une désinence féminine et en substituant à l'article
masculin, l'article féminin. De même pour les femmes célibataires...
et les vieilles filles. De là, les Jeanne la Charetière, les Agnès
la Dépensière. Il se pourrait bien que ce fût même là l'origine de
nombreux noms fénminins : Lamartine, Larousse, Ladoucette, Lamauve,
Bonesseur, Colette, Madeleine, et bien d'autres.
Il faut tout d'abord remarquer qu'un très grand nombre de noms
patronymiques actuels ne sont, comme nous l'avons,dit, que des noms
de baptême, des noms de saints devenus noms de famille. De là,
l'innombrable tribu des Gilles, des Simon, des Benoît, des Germain,
des Laurent, des André, des Marc, des Philippe, des Gervais, des
Didier, des Beaudouin, des Etienne, des Bazile, des Roger, des
Baudry, des Olivier, des Aubry, des Boniface, des Roch, des Gérard,
des Hilaire, des Thibault, des Rémy, des Grégoire, des Martin, des
Ménard.
Certains sont moins connus, mais sont aussi des noms de saints :
les Crépin, qui portent le nom du patron des cordonniers ; les
Evrard, qui prennent le nom de Saint-Everard ; les Hervé, les Fouque,
les Benedict. A premième vue, il paraît aussi extraordinaire que
certains noms de famille soient des noms féminins ; mais cette
anomalie s'explique quand on sait qu'autrefois il
fallait sous-entendre la filiation. Adeline, :ou son dérivé Alinne,
indiquait que le porteur était fils d'Adèle ou d'Adélaïde. C'est
ainsi que se sont formés les noms d'Alix, qui vient d'Alice ; de
Sibille, d'Isabelle ; de Jeanne, de Juliette. L'amiral Cécille, lord
Cecil en Angleterre, sont des exemples curieux de ces noms
à désinence féminine. Il en est même, que le public ignore. Ainsi
Mazeline est une forme adoucie de Madeleine, et Margerin ou Marguerin,
est une forme masculine du nom de Marguerite. Marguerin est « le
fils de Marguerite ».
Parmi nos noms de famillle actuels, il en est encore bien d'autres -
et je ne veux citer que des noms rouennais - qui sont des noms
dénaturés ou des diminutifs des noms de baptême, des noms de
saints. Il arrive tous les jours qu'on donne aux enfants des noms
abréviatifs ou redoublés plus faciles à prononcer. C'est Toto pour
Victor, Hieyette pour Henriette, Popaul pour Paul, heureux encore
quand Toto ne s'en va pas chez Tata, comme dans l'amusant vaudeville
de Meilhac. Eh ! bien, il en fut un peu ainsi lors de la
formation des noms patronymiques. Il en est un très grand nombre qui
ne sont que, des déformations des noms primtifs.
Collignon, par exemple, est une variante de Colin ; Eliot, d'Elfe ;
Guerrand, d'Enguerrand, nom fort répandu au moyen-âge ; Guyot,
Guyomar, Gy, le nom de l'ancien imprimeur rouennais, ne sont que des
dérivés de Guy, de Saint-Guy, dont le nom été popularisé... par la
danse. Henrion, Henriot, le nom du dessinateur comique, ne sont que
des diminutifs d'Henri. Riquet pourrait bien en venir aussi, mais
Riquet a voulu également dire « bossu », d'où Riquet-à-la-Houppe.
Binet, Robineau, Robart, Robillard, viennent de Robin. Jacquelin,
Jacquinot, viennent de Jacques. Besnard et Beunardeau, viennent de
Bénard. Pierrin et Perret sont des diminutifs de Pierre, comme
Pierson veut dire fils de Pierre. Boudin n'a rien à voir avec la
charcuterie, mais vient de Beaudoin ; comme Pasquet vient de Pascal
; Sylvestre, de Sevère ; Morand, de Morin ; Renault, de Regnaud ;
Rambert, de Renaud.
Il en est de même des noms, dont le sens est beaucoup plus détourné,
mais qui, en réalité, proviennent également des noms de baptême,
défigurés à plaisir, de telle façon qu'on a peine à les reconnaître.
En voulez-vous des exemples ?
Thiessé, un nom bien connu en Normandie, n'est qu'un dérivé de
Mathias ; Maheut n'est qu'une déformation de Mathieu, bien qu'en
patois normand, il signifie parfois « malheur », « qué malheu ! ».
Doriot, n'est que la forme abréviative de Théodore ; comme Collot, de
Nicolas ; comme Drieu, Drouart, d'Andrieu, un nom de saint. Mais en
voilà de plus curieuses encore : Nion, qui vient de Denis ; Thénard, qui
vient d'Etienne ; Guibert, Goubert, Guébert, qui viennent de
Saint-Gilbert ; Rault, Raoux, Raullet, formes dérivées de Raoul ;
Béraud, forme contractée de Beroalde, un prénom qu'on retrouve dans
le nom du joyeux conteur de la Renaissance, Beroalde de Verville ;
Tanguy, abréviation de Tanneguy ; Josse, « M. Josse, l'orfèvre »,
qui vient de Jud, comme Jore est la forme flamande de Georges, comme
Ernouf est la forme du vieux nom germanique Arnoult, Arnoulf, dont
un village près de Lillebonne, célèbre par sa mare miraculeuse de
Saint-Onuphre, porte encore le nom.
Pour terminer, voici encore des noms dénaturés :
Joanne, Jouenne qui viennent de Jean, nom qui se préte à bien
d'autres métamorphoses, puisque Jannequin, Hanneton, Hanotteau,
Hanniquet en viennent, comme Hannequin qui est la forme flamande,
comme Hans qui est la forme allemande. On a même voulu en faire
venir Anquetil et Anquetin, qui ne seraient que des dérivés
diminutifs de Hanquet, Janquet, qui voulait dire « Petit Jean ».
Quant à Ferry, c'est bien la forme française de Frédéric, forme
abrégée, par la suppressionides consonnes qu'on n'aime guère en
France. Au surplus, le nom est surtout lorrain et l'on sait qu'il
fut porté par plusieurs princes de la maison de Vaudémont.
Pour mettre un peu d'ordre dans ces origines de noms, passons
maintenant aux noms qui proviennent de la profession ou;des métiers
exercés par leurs premiers possesseurs. Ils sont innombrables, -
est-il besoin de le dire ? - et beaucoup s'expliquent d'eux-mêmes,
mais il en est d'autres qui demandent quelques éclaircissements.
Voici, par exemple, l'innombrable famille des Lefebvre, Lefèvre,
Lefeuvre, Lefébure. Qui sait aujourd'hui que le
fèvre était, autrefois, le forgeron, le maître-ouvrier en fer, le
faber latin, ce qui indique la présence du B conservé
dans le mot Lefebvre ? A Rouen même, la tour Saint-André, dans la
rue Jeanne d'Arc, nous conserve le souvenir de l'église «
Saint-André-aux-Fèvres » aux « forgerons ». Le nom de Fabre, - Ferdinand Fabre - ;
de Faure - Félix Faure - ; de Favre - Jules Favre ; de Faberot,
l'ancien député socialiste, ne sont que les formes méridionales,
dans la langue d'oc, du mot « fèvre » et signifient aussi le «
forgeron », le, maître de forges cher à M. Ohnet. Qui connaît
également l'origine du nom tout aussi répandu de Lesueur ? Le «
sueur », c'est le cordonnier, du latin Sutor, ou pour mieux dire
c'est le piqueur, car les ordonnances de nos rois font la différence
entre les « cordouenniers » et sueurs.
Dans les noms qui tirent encore leur origine des métiers se
rapportant aux vêtements, nous trouverons ceux de Parementier, le
tailleur, le faiseur de parements ; Le Tellier, le tellier, le
fabricant de toile ou de telle
; Le Tissandier, Texier, noms de tisserands ; Pélissier, Pelletier,
Le Pelletier, noms de fabricant de pelisse et du vendeur de
pelleterie. Dans les métiers du bâtiment et de la construction,
en dehors de l'immense coterie des Massons et des Massots, de celle
des Carpentier et Lecarpentier, il ne faut pas oublier la famille
des Tuilier, Thuillier, Tulier, qui ne sont que des ouvriers en
tuiles. Certains métiers, quoique très particuliers, fournissent
cependant plusieurs formes de noms, tels le charronnage et la
fabrication des voitures. C'est tout d'abord les noms de Voiturier
et de Levoiturier , ceux de Caron, Chéron, Le Charron, Lechertier,
Charrette, qui désignent l'ouvrier charron ; ceux .de Royer,
Leroyer, de Royer, Rodet, qui dénomment l'ouvrier faiseur de roues ;
le nom de Rouher, l'ancien ministre de d'Empire, n'est qu'une forme
du même nom. Cartier, Le Chartier, Carlier, servent à désigner le
charretier. Comme en vrai patois normand,
poié,
pouyer veut dire grand, du
verbe poier, monter,
Pouyer-Quertier signifie le « grand charretier », qualificatif qui
n'aurait point effrayé le rude et solide ministre de M. Thiers. Si
nous passons aux professions de l'alimentation, aux métiers de
gueule, voici Thubeuf et Tuvache, deux bouchers ; Masquelier, en
langue d'oc, veut dire la même chose, comme aussi Massabiau, le nom
d'une des parentes de Gambetta, qui signifie tout simplement :
«Assomme-boeuf ». Le Saulnier est le marchand de sel ; Lailler,
Layer, le marchand d'ail ; Loyer, le marchand d'oies ; Lepesteur, le
boulanger « pesteur ou boullenger, » dit Ducange en son Glossaire,
et Lequeux est le maître-cuisinier.
Dans les métiers qui fabriquent les objets domestiques, voici les
Maignan, Manier, Le Meignan, Magnin, qui ne sont que des
chaudronniers ; les Lormier, qui fabriquent tous les menus
ustensiles de fer, la lormerie
; les Cuvelier, qui font les cuves ; les Vannier, la vannerie ; les
Féron, la ferronnerie. Les métiers agricoles tiennent aussi leur
place : Gautier, c'est le bûcheron, du vieux mot
gaut, forêt ; Magnier, c'est
le meunier, comme Monier, Lemonier, formes usitées en Normandie ;
Lesertisseur, c'est le défricheur de la terre pour la culture ;
Metivier, c'est le gardien de moisson, du latin metis,
mais c'est la forme méridionale ; en langue d'oïl, on dira Le
Messier. Lebedel est aussi un gardien de moisson. Leberquier est
tout simplement le berger, prononcé à la normande, comme Loiselier
est l'oiseleur, comme Leharivel, un nom bas-normand, est « le
marchand de bestiaux », un peu pris en mauvaise part, car le
harivel est celui qui discute, qui « haricote ». Paturel, lui, est le petit pâtre.
Bergeret, de même.
La chasse va nous fournir d'autres noms. Tout d'abord Le
Cacheux, le chasseur, et un tas de noms de louvetiers : Heurteloup,
qui pousse le loup ; Bouteloup, qui a la même signification, « qui
chasse, qui boute le loup » ; Virlouvet, qui fait « virer », tourner
le loup ; Cacheleu, chasse-loup. Les Cachaleux, en Picardie, portent
trois pattes de loup dans leurs armes. Un de ces noms, doublement
significatif, était celui de Chasseloup-Laubat. Chasseloup voulait
déjà dire, dans la langue d'oil, le « chasseur de loup », et Laubat,
dans la langue d'oc, voulait dire le loup. Il est vrai que l'amiral
Chasseloup-Laubat était un vrai loup... de mer !
La pêche nous fournira le nom normand de Lepesqueur, si répandu sur
les bords de la Seine, du côté d'Oissel, et Pêqueux, Pêcheux, qui
est la forme picarde. Mais voilà que nous toucherons au haut
commerce avec l'innombrable famille des Marchand et Lemarchand. Les
Marcadé, Marcadet, Marcadier, en est une forme méridionale : c'est
le marchand, le mercator antique.
Si nous passons aux noms provenant de la fonction, la liste devra
comprendre tout d'abord le Graverand, qui n'est autre que le collecteur d'impôts.
Tous ses privés et ses baillais,
Ses Graverens et es vicomtes.
dit Robert Wace, dans le Roman de Rou ; Le Maillard recueille, lui aussi, l'impôt des mailles,
une petite monnaie qui est demeurée dans l'expression proverbiale :
« Il n'a ni sou ni maille ». Fortier est le gardien du fort, comme
Viard est le gardien d'une porte de ville,, comme Massard est le
trésorier général de la « masse », comme Censier est le percepteur
du cens. Clavier, Claverie - vous souvient-il d'un vieux bouquiniste
méridional de la place Saint-Sever qui portait ce nom ? - sont les
gardiens des clefs (clavis)
Clamageran, sous sa forme méridionale, qui vient du verbe clamader, est le
«,procureur, le fondé de pouvoir » ; Delatre, Delestre, est l'homrne
préposé à la garde de l'aître,
de l'entrée qui par extension, est devenu le cimetière, comme
l'aître Saint-Maclou. Quant à tous les Bailly, Lebailly, et
Lebaillif, ils descendent tous de Monsieur le Bailli... qui n'est
pas toujours de Corneville !
La nationalité servit aussi à donner toute une série de véritables
surnoms, pour, la plupart précédés de l'article
le ou
la, soit qu'ils fussent d'origine étrangère ou simplement provinciale.
Langlois, c'est l'Anglais ; Lallemand, nom de célèbres imprimeurs
rouennais, c'est d'Allemand ; Le Danois, c'est le Danois ; Flamand,
s'explique de: lui-même ; mais Vallois, c'est le Gallois, du pays de
Galles, et Grieu, Grieux. c'est le Grec ; Cauchois, Le Cauchois
viennent du pays de Caux ; Dauge, l'Augeois, viennent du pays d'Auge
; Manceau, du Mans ; Picard, de Picardie ; Lebret, Le Breton, de
Bretagne ; Langevin, de l'Anjou ; Poittevin, Le Poittevin, du Poitou
; Barrois, de Bar ; Bourguignon, de Bourgogne ; Gascard, de Gascogne
; Objois, de l'Albigeois ; Defrance, de l'Ile de France ; Briols,
Briard, de la Brie ; Paris - qu'on prononce mal - Parizet, Parigot,
de Paris. Quant à Sarrazin, il s'explique également de lui-même.
Mais nous voilà arrivés à l'une des sources, où certainement on a
le plus puisé pour fournir des noms : c'est celle des
particularités physiques, de la tournure du corps ou du visage. Les
noms, à l'origine, durent constituer de véritables passeports, qui,
par la suite, se sont bien modifiés, car M. Legrand, peut être fort
petit et M. Leblond, noir comme un. corbeau. Passons cependant en
revue des plus caractéristiques :
Poutry, en Picardie, c'est le « pansu » comme Panchout, en
Normandie, comme Legrêle, c'est le « mince », et Grossin l' « assez
gros ». Pouyer, poié, nous l'avons dit, en patois normand, c'est le
« grand », et Klein, en patois alsacien, c'est le « petit ». Voilà
pour la taille ; le visage nous donnera : Giffard, un nom bien
cauchois et qui signifie le « joufflu », de giffe, joue ; Belgul,
n'est qu'une variante de « Bellegoule » , qui existe aussi et
signifie beau visage, belle bouche. Rozé se rapportera au teint.
Quant à la chevelure, il est difficile de se... démêler dans tous
les noms qu'elle a pu fournir. C'est tout d'abord : Hérissey et Le
Hérissey, Hurault, Hurel, Hurepois, Hurepy, qui ont la même
signification ; Peulevey, Pelleevé, qui eux aussi, ont le poil « levé» et dressé.
Piel, Beaupel, Pefloux, forment des dénominations analogues :
c'est le « poil », le beau poil, qui disparaît cependant avec
Touzé qui veut dire le « tondu », le rasé, et avec Chauvin
et Cauvin. Quant aux couleurs, toutes sont notées, avec Morel, qui
veut dire « noir comme More » ; avec Niel, Néel, Niellon, qui
signifient égaleraient « noirâtre », car le mot « nielles » gravure
et incrustation en noir, n'a pas d'autre origine ; avec Canu, qui
veut dire blanc ; avec Brunon, qui veut dire brun ; avec Roux,
Rousseau, Rouillard, Roussel, Rousselet, Rousselin, et même Rouanet,
qui nous indiquent toutes les nuances de la rousseur, et avec
Rouget, Roujot, Roujon, Robichon qui marque la teinte rouge des
cheveux, jusqu'au point où elle devient fauve et nous fournit Fauvel
et Falloux. Tire-t-elle sur le brun rouge, elle forme le mot
Baillard ; sur le blond ardent, Sorel et Soret ; sur le blond pâle,
Blanchot.
L'âge a servi aussi à ,donner deis nones et surnoms : « Jeune »
c'est Jonnart, Jouvencel, noms de députés connus ; Jonain, Jouvenet,
le nom du peintre ; Jouve, Jouvin. « Vieux » c'est Viel, c'est Viez
et Vial, qui sont des formes méridionales ; c'est Daviel, c'est
Viette, c'est Viallard, Viallaret. Quant aux infirmités, elles ont
aussi leur bonne part dans les désignations. Qui ne sait que Gambu,
Gambier, Garubard, Gambey, désignent les gens à petites jambes.
Gambetta ne veut pas dire autre chose. Par contre, Chopard est
encore plus malheureux, car il signifie « boiteux », qui chope,
comme Garet et Garel. Gobin a-t-il plus de chance, car il désigne un
« bossu ? » Quant aux Manchon, si nombreux, ils ne sont pas tous...
« manchots », comme tous les Mutels ne sont pas « muets », et tous
les Sailliard ou les Leballeur, danseurs, sauteurs, gens qui «
saillent » et « baillent » joyeusement.
A l'aspect physique, viendront encore se joindre, pour déterminer de
nouvelles dénominations, les vocables signalant les qualités
morales, ou ceux empruntés aux conditions sociales. Ceux-là sont innombrables.
Voici d'abord Bonet, « le bon », et Mallet, « le mauvais » ; puis,
c'est Hardy, l'audacieux ; Harel, le querelleur, qui vient du mot harelle ou querelle ;
Randon, l'impétueux ; Hazard, le joueur ; Gaudel, le « réjoui » ;
Tribouillard qui, lui, aime les rixes de la « tribouille » ;
Lerebours, le pillard, le revêche ; Mauduit, « le mal duit », le mal
conduit ; Hurtu, celui qui frappe, qui heurte ; Quettier, le doux et
le tranquille, le « quiet » ; Malandrin, le « mauvais homme », et
Talbot, le « noir bandit » ; Marjollin, l'étourdi ; Trufault, le
trompeur, qui « trûffe » et ruse ; Appert, l'adroit ; Artaud,
l'habile ; Briffault, le goulu et 1e glouton ; Devé, le rêveur ;
Goulard, Gouley, Goulon, le gourmand ; Hettier, le gai, le joyeux ;
Laffetay, le bien soigné, le bien paré ; Lavolée, l'étourdi ;
Lavoisier, l'avisé ; Lecointe, le bien tenu ; Lehodey, le fatigué ;
Lereffait, le trompé ; Lesouëf, le doux, agréable, comme Amable et
Mabile qui en dérive et a le même sens.
Voici encore Létorey, le bien pourvu, le gratifié ; Manoury, le mal
nourri ; Mauchrétien, le mauvais chrétien ; Maubert, le mauvais
seigneur ; Ribard, celui qui aime à plaisanter ; Larible, celui qui
goûte la débauche, les rixes, « la rible » ; Védy, celui qui est
habile et trompeur. Parmi les noms à désinences étrangères, Erluison
vient du mot germanique Erl,
qui veut dire « noble » ; Siegfried veut dire le victorieux et le
pacifique, tel Sigefroid en français. Quant à Bergevin, c'est une
forme de Burgevin, du vieux nom « Burgvvin », défenseur et ami.
Waddington, c'est « la ville du gué ».
Les conditions ne fournissent que peu,de noms à la patronymie
; encore ceux-ci nous renseignent-ils sur l'état social de nos ancêtres :
Lefranc, c'est l'homme affranchi ; Vasse, Vasseur, Levavasseur,
Vasselin, c'est le « vassal » ; Saintier, c'est l'homme qui se fait
homme d'église ; Tiercinier, c'est celui qui a le tiers d'un bien ;
Sosson, c'est l'associé ; Aubain, l'homme qui a quitté la terre de
son seigneur, pour aller habiter une terre, où il paye le droit d'aubaine.
Papin, c'est le grand père ; Filleul, c'est le petit-fils ;
.Bruinent, Le Brument, en Normandie, c'est l'homme qui se marie ;
Malfilâtre, c'est 1e mauvais fils ; Baron, c'est le mari d'après
l'origine germanique du mot ; Besson, c'est le frère jumeau ; Frère,
c'est particulièrement le membre d'une charité, d'une Frairie ; Hébert, c'est
l'hôte, celui qui « héberge » ; Ledru, c'est l'ami, suivant un vieux
mot qu'on trouve dans les Miracles
de Notre-Dame ; Leudet, le petit « leude », compagnon du chef
à la guerre ; Lienard, le locataire, celui qui tient en lienage ; Mainbourg, le
tuteur ; Plège, qui est un nom normand, le répondant, celui qui
cautionne ; Prud'homme, l'homme sage ; Soyer, celui qui possède
un bien en soyesté, en société, en commun; Lancesseur et Lancestre, l'ancêtre.
Les dates de naissance ont également servi à dénommer certaines
familles ; de là, les Avril, les May, et surtout les Ozanne,
Ozannam, Ozanneaux, qui :sont les surnoms des hommes, nés le jour
des Rameaux, parce qu'on chante ce jour-là l'Hosannah.
Quant à Tierce, c'est le troisième né d'une fairnille. Pour
l'innombrable famille des Marquis, des Preves, des Leroy, des Lerey
- ce qui est la même chose - son origine n'est ni nobiliaire, ni
royale : ces dénominations veulent simplement signifier plutôt leur
servitude et doivent se traduire plutôt par « l'homme du marquis »,
« l'homme du prevost », « les gens du roi ».
L'habitation, la demeure grande ou petite, ses environs,, son
voisinage devaient aussi servir à la dénomination des familles,
particulièrement des familles campagnardes :
De là, les Mesnil et les Du Mesnil, les habitants du mansionile latin, la petite
habitation rurale ; de là aussi les Mansion, qui ont la même
origine. Viennent ensuite des Dupré, les Prevel, les Prat, les
gens du domaine du pré ; les Masure, Desmasure, Mazurier, Maze, gens
de la masure normande ; les Deschamps, les Duclos, les Deshays, dont
le nom s'explique naturellement ; les Dutuit et les Dutot, les gens
du « toit » ; les Hamel, Hamelin et Duhamel, gens du hameau ; Les
Rivet, Ruel, Riou, Durier, près du ruisseau ; les Nau, près de da
source ; les Vauchel, Duvauchelle, gens de la vallée, sous la forme
picarde, et les Vallée, Vallette, Vallon, sous la forme normande ;
les Chemin, Duchemin, Quemin, gens proches du chemin ; les
Chatelain, Castelet, Castelot, proches du château ; les Capelle,
Chapelle, près de la. chapelle ; les Soulié, qui habitent les soliers,
les chambres hautes ; les Chefdeville, qui habitent le haut, le «
chef de la ville » ; les Beaucantin, qui habitent un beau coin, un
beau « canton » ; les Beaurepaire, qui logent en une belle retraite
; les Heurtault, perchés sur une éminence ; les Cavé, dans un chemin
creux ; les Gastines, Gastinel, des Vastines, qui habitent des
plaines stériles ; les Desjonquières, dans un terrain où poussent
les joncs ; les Desgenétais, où poussent des genêts ; les Delanoë,
Lanoë, en un vrai marécage, car « la noë » ne veut pas dire autre
chose. Vialle, dans le Midi, c'est Viala équivalent à Villa,
le domaine, 1e bourg, le village.
En voici d'autres encore : Maupas est le mauvais passage, comme
Maupassant est le mauvais voyageur ; Montier est le monastère
; Montreuil est le petit monastère ; Pancelet et Poncin, le petit
pont ; Tesnière, la tanière ; Hallé, Hallay, l'endroit desséché ;
sans compter les dénominations méridionales : les Laborde, qui
équivaut à nos Desmaisons, comme aussi les Lacaze ; les Dumas (du
mas), qui équivalent à nos
Masure ; les Vilars, gens du village ; les Claparàde, gens près du
champ de pierre ; les Casabianca, gens de la maison blanche ; les
Souchières, gens de la terre défrichée ; les La Perrière, d'un endroit plein de pierres.
On croirait que le vêtement, si caractéristique, aurait pu servir à
de nombreuses dénominations. Il n'en est rien, et cela se comprend
au surplus. Il est trop changeant, se modifie trop au gré de la
mode pour fournir des dénominations fixes Tout au plus pourrons-nous
citer, comme lui empruntant leurs vocables : Fouré, qui a de la
fourrure ; Heuzey et Houzeau, qui portent des heuses, des houseaux ;
Pelay, garni de fourrure ; les Cauchard, Cauchon, les Chauchard, qui
portent des chausses ; les Chaperon, les Capperon, qui portent
les « chaperon » en tête ; les Capet par son origine royale, le
premier nom français -, qui signifient le chapeau ; Les Malcape,
mauvaise, chape, vieux nom normand ; les Courdemanche, à la manche
courte.
Beaucoup plus nombreuses sont les dénominations empruntées au règne
animal et il semble que jadis nos pères se complaisaient à se donner
des noms de quadrupèdes... et d'oiseaux. Passons rapidement en revue
cette ménagerie... philologique.
C'est Thorel, Taurel, le taureau ; Caval, Cheval, « la plus noble
conquête que l'homme ait jamais faite » ; Leboeuf, Lebeuf, Bobeuf,
le boeuf ; Bouvot, Bouvet, Vachon, Viau, le veau ; Lasne, Lannes,
Aze, Asse, l'âne ; Bourri, le même avec une autre dénomination ;
Regnard, Goupil, Legoupil, le renard ; Gadeau, Laquièvre, la chèvre
; Oursel, Oursat, l'ours ; Lecat, Catois, le chat ; Pelcat, peau de
chat, ; Leleu, le loup ; Laignel, Piedagnel, le mouton, le pied de
mouton ; Lequien, le chien , Blin, Belin, le bélier ; Chevrel, Le
Chevrel, le chevreau ; Cagnon, le jeune chien, en latin canis, comme les Quenault
et les Quenet ; Poutrel et Poullain, le jeune cheval ; Vaquette,
Vachette, la jeune vache, d'où Vacquerie, la vacherie ; Goron, le
jeune porc, le goret ; Tesson, le blaireau d'où vient le Tasse et le
Teysonnier ; Esquiros, l'écureuil. Loisel indique l'oiseau avec ses
dérivés Maloisel, mauvais oiseau, Chandoisel, chant d'oiseau. Puis
voici : Leteurtre, le tourtereau ; Coulon, Couloin, le pigeon, d'où
colombier ; Coquerel, le jeune coq ; Malard, le canard, suivant le
terme normand ; Passerat, Moisson et Moigneau, le moineau ; Héron et
Arondel, le héron et l'hirondelle ; Lemesle, le merle ; Plouvier,
Pluvinel, le pluvier ; Vanel, le vaneau ; Perdrix et Perdriguier, le
perdrix et le chasseur de perdrix ; Pinchon. et Pinsart, le pinson ;
Loriot et Lorieut, le loriot, qui voisine avec le Rossignol ; Huet
le jeune oiseau ; Cornillot, la jeune corneille ; Lepec, le piver ;
Laloë, Lalo, Lalauze, l'alouette ; Chu, le chat-huant ; Videcoq, la
grosse mésange ; Cucu, le coucou ; Mézange, Lacaille, l'Autour,
Lestournel, Lécoufley, le milan qu'on appelle l'écouffle.
Hue isvgnifie l'oeuf et Pennetier celui gui arrache les plumes, les « pennes ».
Faut-il encore citer des dénominations empruntées aux animaux
inférieurs ? Frémy, c'est la fourmi, prononcé à la normande ;
Botrel, c'est le crapaud ; Abeillard, Evette, Avette, c'est
l'abeille, et Cocatrix, c'est le crocodile, bien qu'en Normandie on
trouve ce nom avec le sens de bénitier. Parmi les poisson, c'est
Salmon, le saumon ; Hareng et Harenger, le hareng ; Cabot, le
chabot, car les Rohan-Chabot portent d'or, à trois chabots de
gueules. L'animal fantastique a même pris place dans cette
nomenclature, avec Dauphin et Dugrippon - du griffon.
Très nombreux sont également les noms empruntés au règne végétal, à
la forêt, à ses arbres, :aux plantes, aux légumes, aux fruits. « Que
c'est comme un bouquet de fleurs ! »
La forêt nous vaut d'abord Le Forestier et Forestier, ainsi que Le
Verdier, qui veut dire le garde forestier. Puis voici tous les noms
tirés du bois : Dubois, Dubosc, Dubusc, Dubousquet, Duboc, Basquain,
Bousquet, Bouquet, Boichot et même Buguet, ainsi que Beaurain, le «
raim » signifiant le bord du bois. Voici Rachinel, la racine, et
Suchetet, la petite souche. Voici encore Breuil, Dubreuil, le
bois-taillis ; Buisson, Dubuisson, le buisson ; Tréfouel, Trefeu, la
bûche de Noël. Pour les noms d'arbres proprement dits, voici la
tribu innombrable des Lechesne, Lequesne, Duchesne, Duquesne,
Quesnel, Chesnais, Quesnot, Beauchesne, Beauquesne sans compter les
formes de langage méridional : Rouvre, Rouvray, Rouveyere, Rouvier,
Rouvière, ou encore celles comme Casse et Ducasse. Voici encore
Lahaye, Deshayes, Delahaye, et même Bracquehays, qui veut dire «
brise haies ». Voici Boullay, du Boullay, Boullart, pour le bouleau
; Aulnay, Launay, Delaunay, Delaunne, pour l'aulne ; Dessaux,
Saussaye, pour le saule ; Fresnay, Fresnoy, Du Fresnoy, Dufresny,
Freycinet, pour le frêne. Palfresne et Palefresne veulent dire
également « qui arrache le fresne », comme Pelletan indique «
l'homme qui enlève le tan ». Perier, Poirier, c'est le poirier ;
Pommereu, Pommeraye, l'endroit où l'on plante les pommiers ; Vergne,
Verneuil, Vergnaud désignent aussi l'aulnaie, comme Coudray,
l'endroit planté de coudriers ; Houssaye, Houssard, Houzard, le houx
; Lépine, L'Epinois, Dépinay, d'épine ; Thil, Thillaye, Thillois,
c'est le tilleul ; Faguet, Fagerolles, Fayet, Lafayette, Dufay,
Dufétel, Dufau, Dufeu, Desfous, le hêtre, le fau, du latin fagus. Frechon, dans la
langue d'oc, sert aussi de désignation au même arbre. Quant à
Sanguin, il signifie le cornouillier et à Lepeuple, le peuplier.
Parmi les céréales, beaucoup de mots ont également fourni à la
patronymie : Fromentin vient de froment ; Avenel, Avenne,
Chandavoine, de l'avoine, comme Alavoinne ou Alorge signifie le
marchand d'avoine ou d'orge. Alaboissette a la même signification,
la « boissette » servant à mesurer les grains.Millerand veut dire le
champ de millet et aussi une maladie du raisin, et nous en passons
pour arriver aux fleurs de nos jardins et aux légumes, à Dugard qui
signifie Dujardin, à Malesherbes qui indique les mauvaises herbes, à
Flour, la Fleur ; à Pelouse, le gazon comme Zola, du reste ; à
Cardon, le chardon ; à Poirel, et Porraz, le porreau ; à Pezas et
Favier, la fève ; à Chennevièvre, le chanvre ; à Feuchères, et
Fougureray, la fougère ; à Castaigne, la châtaigne ; à Aveline,
l'amande ; à Orange ; à Lavaissière, le prunellier ou le coudrier
sauvage .
Enfin, nous arrivons aux simples dénominations dues à des objets
usuels : Chéruel, Quéruel, la charrue ; Panel, le panneau ; Pestel,
le pieu ; Rondeau, le rouleau ; Fauquet, la faucille ; Bultel, le
tamis, le blutoir ; Buhot, la corne ; Bidault, la lance à deux
tranchants qui servait aussi à désigner le soldat qui en usait ;
Caudron, le chaudron ; Lepinois, Dépinay, l'épine; Thil, Thillaye,
Thillois, c'est le tille -, Cagniard, le réchaud ; Pochon, la besace
; Ratel, le râteau ; Bonnière, une mesure normande, comme Bacette et
comme Conge, une mesure de 3 litres chez les Romains, qui servait
aux empereurs romains lorsqu'ils faisaient des distributions au
peuple ; Pouchet, le petit sac ; Galimard, l'étui à plumes ; Hain,
l'hameçon ; Rispal, le balai ; Rebulet, un mélange de son et de
farine...
Arrêtons-nous, car la liste des noms avec leurs origines
étymologiques serait inépuisable. Ceux que nous avons cités,
suffisent pour montrer l'intérêt philologique et historique, qui
s'attache à cette question du nom, si intimement liée à nos
croyances, à nos idées, à nos moeurs, à notre nationalité, en un
mot, à notre civilisation.
Table des auteurs et des anonymes
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